Dix œuvres
en vue

Jean Bellegambe (1470 – 1536)
Triptyque de la Sainte Trinité
Huile sur bois, dimensions des panneaux :
110 x 29 cm ; 117 x 69 cm ; 110 x 29 cm

Legs Jacques Bernard, 1891

Ce panneau de bois peint à l’huile est l’une des pièces les plus remarquables et les plus anciennes de la collection de Beaux-arts du Musée du Colombier. Il est l’œuvre de Jean Bellegambe, artiste flamand qui a fait sa carrière à Douai, sa ville natale. Appelé Maître de la couleur pour son habilité à jouer avec les couleurs et leurs transparences, il répond à de nombreuses commandes passées par les institutions religieuses de la région.
Ce triptyque représentant la Sainte Trinité est caractéristique des œuvres de la Renaissance par ses éléments architecturaux inspirés de l’Antiquité et sa perceptive introduite par les motifs au sol.
Fait intéressant, les commanditaires du tableau sont représentés à genoux sur les panneaux latéraux mettant ainsi en valeur leur don à l’Église.

Anonyme – École lombarde (XVIe siècle)
La Vierge, Jésus et Jean-Baptiste
Huile sur bois
Ovale : 87 x 90 cm
Legs Jacques Bernard 1891

Ce tableau fut attribué par Jacques Bernard, à Raphaël, cependant une inscription au dos de celui-ci indiquerait qu’il aurait été commencé par Raphaël puis achevé par son ami Riddolfo Ghirlandaio. De nombreuses œuvres léguées par Jacques Bernard et qui constituent le socle des collections du musée, sont des copies ou des attributions, qui demanderaient pour certaines à être vérifiées scientifiquement.
Toutefois, la finesse des traits, de la chevelure et des auréoles de ce tableau sont remarquables. La composition pyramidale fait circuler le regard et met en avant les échanges de gestes et de regards baignés de calme et d’affection. Le choix des couleurs revoit aux symboles sacrés : le rouge associé à la Passion du Christ et le bleu à l’Église, il insiste sur le lien entre la mère et le sacrifice de son fils.

Deux prémolaires d’un jeune mammouth méridional
Paléolithique (800 000 – 9 600 av. J.-C.)
Aven de la Boue, Méjannes-le-Clap (30)
Faune

Le musée du Colombier présente une exceptionnelle collection d’os d’animaux préhistoriques aujourd’hui disparus. En effet, la région d’Alès a livré de nombreux restes de grands mammifères (mammouth, rhinocéros laineux, lion des cavernes, hyènes crocota, lynx pardella, hippopotame, ours des cavernes, bison, cerf élaphe) du Quaternaire, période qui correspond au temps glaciaire. Cette faune exceptionnelle a fréquenté les nombreuses grottes et la steppe arborée de l’actuel piémont cévenol, zone qui lui offrait d’abondantes ressources.
Les deux prémolaires ont été mises au jour, à côté d’un fragment de crâne, dans l’Aven de la Boue près du village de Méjannes-le-Clap. Il s’agit des restes d’un mammouth juvénile ou sub-adulte de type éléphant méridionalis. D’autres restes de cette espèce ont été découverts dans le Nord du Gard ; deux molaires d’un même sujet près du village de Tharaux, à seulement quelques kilomètres de l’aven de la Boue, et quatre près du village de Durfort-et-Saint-Martin-de-Sossenac, dont le squelette entier du fameux Mammouth de Durfort, l’une des pièces maîtresses du Muséum d’Histoire naturelle de Paris.
L’éléphant méridionalis est le plus grand herbivore des temps glaciaires. C’est un mammifère semi-nomade qui a fréquenté les continents eurasiens et américains à partir de 1,5 millions av. J.-C. L’espèce s’est éteinte vers 11 000 av. J.-C. Elle ne s’est pas adaptée au changement environnemental qui a suivi la fin des temps glaciers. La chasse des groupes de chasseurs-cueilleurs a également pu avoir un impact sur sa disparition.

Enduit peint
Antiquité (Ier av. J.-C. – Ier ap. J.-C.)
Vié-Cioutat (Mons)

L’oppidum de Vié-Cioutat (Vieille Cité) situé sur les communes de Mons et de Monteils à 9 kilomètres au sud d’Alès est un habitat gaulois fréquenté du 500-400 s. av. J.-C., puis du Ier av. J.-C., à 100 ap (abandon).
Vers 75 av. J.-C., une nouvelle agglomération est créée sur les mêmes bases que l’ancienne, sur une superficie de 3 hectares, le tout ceinturé par un rempart. Au cours de la période augustéenne, les anciens quartiers d’habitation en matériaux périssables (torchis) sont remplacés par des îlots de maison d’influence romaine. La maison, dont est issue l’enduit peint, a été érigée dans la dernière décennie du 1er av. J.-C. Elle comprend six pièces, dont des salles de service, une chambre ou une salle de séjour. Les sols sont constitués de tuileau ou décorés par des mosaïques, les toits de tuiles de conception romaine (imbrex et tegulae). Ses murs sont bâtis en pierres lissées avec de la terre et décorés par des enduits peints. Le morceau actuellement exposé au musée du Colombier a été mis au jour dans la salle D, une salle de forme rectangulaire. Seule la partie basse, fragmentaire, a pu être conservée.
Qu’est-ce qu’un enduit peint ? Le décor de l’enduit peint de Vié-Cioutat comprenait cinq panneaux d’égal largeur de 1,60 mètre de haut, peints. de teintes jaunes, vertes, rouges, noires, grises et roses, ainsi que des plinthes posées sur le sol. Le style de peinture correspond au IIIe style pompéien. Il a été exécuté entre la dernière décennie du Ier av. J.-C., et le milieu Ier ap. J.-C. Il ne reste aujourd’hui qu’une partie de la plinthe et la base de deux panneaux noirs situés de part et d’autre de la fresque.

Jan Breughel dit « De Velours » (1568 – 1625)
La mer et ses productions et La Terre et ses productions avant, 1625
Huile sur bois, 54,5 x 96 cm chacun
Legs Jacques Bernard, 1891

Ces œuvres allégoriques font partie d’une série de quatre tableaux représentant les quatre éléments : le feu, la terre, l’eau et l’air. Il s’agit de copies réalisées par Jan Breughel à partir des propres tableaux, l’artiste est réputé pour son goût de la peinture de fleurs et de la miniature.
Éloges de la terre et de la mer, et de leur valeur féconde et nourricière, les tableaux mettent en scène Déméter, déesse de la moisson et Amphitrite, divinité de la mer. Sur le modèle des savants naturalistes du XVIIe siècle faisant l’inventaire du monde, Jan Brueghel représente une multitude d’espèces de fleurs, d’animaux terrestres et marins, dans un grand luxe de détails et de minutie.
La présence d’animaux exotiques renvoie directement au XVIIe siècle, siècle des découvertes de nouvelles terres, du commerce maritime et des cabinets de curiosités où il aurait probablement pu copier ces spécimens.

Jean Mayodon (1893 – 1967)
Vase avec centaure

Jean Mayodon compte parmi les céramistes les plus brillants de son époque. Très jeune, il fréquente l’atelier du graveur Bracquemond où il rencontre Rodin, Bourdelle, Monet et la célèbre danseuse Isadora Duncan dont il traduira les danses sur ses vases. En 1912, il installe son atelier dans sa maison familiale de Sèvres qu’il gardera toute sa vie. Remarqué pour l’esthétique et la technicité de ses faïences fines, Jean Mayodon est nommé conseiller artistique à la Manufacture de Sèvres en 1934 puis directeur artistique de 1940 à 1942. Grâce à sa résidence secondaire installée à Ners, il se fait un réseau d’amis dans le milieu artistique alésien ; après son décès son nom est donné à la rue du Musée du Colombier.
Influencé par les décors et les couleurs des faïences orientales, il décore de résilles d’or et de teints éclatants ses créations dont les figures sont inspirées de l’Antiquité : rondes de nymphes et de danseuses, nus, animaux ou encore centaures comme sur ce vase.

Stèle de Montaion
Néolithique (3500 – 2500 av. J.-C.)
Site de Montaïon, Sanilhac-Sagries (30)
Lapidaire

La stèle a été découverte en 1984 près du village de Sanilhac-Sagriès. Elle mesure 1,93 cm de haut. Elle a été édifiée entre 3 500 et 2 500 av. J.-C par des communautés paysannes de culture Ferrières. Ces populations qui apparaissent dans la région vers 3 500 av. J.-C., sont les premiers bâtisseurs de grands ouvrages en pierre appelés mégalithes.
Cette stèle fait partie du groupe des statue-menhirs considérées comme les premières statues d’Europe. Ce sont des pierres dressées, sculptées en une silhouette humaine dont la hauteur varie de trente centimètres à plus de deux mètres. Façonnées dans du calcaire local, elles sont piquetées, gravées et polies, et ont pu être peintes. Elles représentent schématiquement en bas-relief des identités anthropomorphes, masculines ou féminines. Leur édification témoignerait du culte rendu aux personnages importants, aux ancêtres, aux héros et aux guerriers de certaines communautés de la fin du Néolithique. La stèle de Montaïon représente un personnage sans visage portant deux haches-crosses et un objet pointu troué, interprété comme un poignard ou une pendeloque à manche en coquille d’où pendent deux triangles.
Elle faisait partie d’un aménagement monumentale mégalithique situé dans un site d’habitat de la fin du Néolithique, dont l’architecture est difficile à interpréter. La statue-menhir était dressée au centre de ce monument constitué de dalles aniconiques dressées et alignées, au long desquelles étaient déposés du mobilier (poteries, outils en os et en pierre). Ce monument cultuel était probablement consacré à un personnage important de l’habitat dont la mémoire était perpétué par l’ancrage d’une matière imputrescible, la pierre.

Anonyme – École vénitienne (XVIIIe siècle)
La Dame au masque
Huile sur toile
Ovale : 64,5 x 49 cm
Legs Jacques Bernard 1891

Le portrait de La Dame au masque est l’un des tableaux les plus mystérieux de la collection. N’est connu de ce tableau ni le nom du peintre ni celui de son modèle.
Vêtue d’une robe richement ornée, la femme tient un masque dans sa main paré lui-même d’un masque pour les yeux et de quelques mouches. En faisant référence au carnaval de Venise, ces indices laissent penser qu’il s’agit d’un tableau peint par un artiste vénitien du XVIIIe siècle. À cette époque le carnaval de Venise dure six mois de l’année et chaque bal ouvre – tout le monde se cachant derrière un masque – à tous les possibles. De façon atypique, l’artiste a choisit de représenter le visage de la femme à découvert et de lui donner un regard franc, suggérant ainsi qu’elle n’a pas peur de se montrer telle qu’elle est. Plus que décoratif, ce tableau ovale semble avoir été créé pour un environnement intime.

Marcel Merignargues (1884 – 1965)
Danseuses
Plâtre

Descendant d’une famille de tailleurs de pierre, Marcel Merignargues apprend son métier à l’École des Beaux-arts de Nîmes puis de Paris. Soldat de la Première Guerre mondiale, il témoigne par son art de la réalité de cette guerre en réalisant les monuments aux morts de 7 communes du Gard dont celui d’Alès maintenant classé aux monuments historiques. Il poursuit toutefois sa carrière à Paris où il travaille comme modeleur pour le Musée Grévin pendant 9 ans. En 1937, il réalise le bas relief de la façade du pavillon du Languedoc-Roussillon pour l’exposition internationale des arts et techniques. À la même époque, il se passionne pour la danse d’Irène Popard qui prône la liberté du corps et des mouvements. Danseuses reprend, comme nombre de ses sculptures, ce thème. Tout en traduisant la gestuelle moderne de ses modèles, Marcel Merignargues tend à synthétiser leurs formes qu’il décore de feuilles très découpées dans une liberté décorative. Cette sculpture est conservée dans sa version monumentale à la Piscine de Roubaix.

Portion de collier comprenant sept perles spiralées en bronze et trois pendeloques en canines perforées
Âge du bronze (2200 – 800 av. J.-C.)
Grotte du Hasard, Tharaux (30)

Le collier a été mis au jour en 1970 lors des fouilles menées par l’archéologue Jean-Louis Roudil à la grotte du Hasard. Située près du village de Tharaux, à l’entrée des gorges de la Cèze, la cavité a été occupée pendant toute la période du Néolithique final jusqu’au Premier âge du Fer. C’est un site majeur qui a livré une grande quantité de céramiques et des parures exceptionnelles pour toute la période couvrant l’Âge du bronze du Midi de la France. Véritable labyrinthe de salles, de galeries et de boyaux, son développement total atteint environ un kilomètre. La cavité sert d’habitat aux populations du Bronze ancien puis acquière une fonction funéraire. Les populations viennent déposer dans les deux premières les ossements de leurs défunts accompagnés de leurs mobiliers sépulcraux C’est au fond de la salle I que le collier a été découvert à proximité de restes de 14 individus, de riches parures (deux bracelets ouverts et quatre anneaux en bronze) et d’urnes en céramique entières. C’est un objet exceptionnel de par son rendu, la rareté des matières qui le compose, ainsi que son degré de conservation.
Le collier est constitué de sept perles spiralées en bronze, de perles plates ou cylindriques en ambre qui ont disparues, de trois pendeloques en canines de canidé. Cette parure se complétait sans doute de perles en ambre et d’un coquillage marin qui ont été trouvées en connexion. Il est daté du Bronze moyen, et est caractéristique des productions d’objets en bronze confectionnés à partir d’un fil (qui permet l’obtention de perles en spirale). Il a été probablement porté par un des 14 défunts dont les restes ont été déposés.
Ce collier est un bien de prestige acquis par échange entre les communautés à travers l’Europe. C’est un objet exotique qui témoigne du circuit commercial européen de matières premières et d’objets finis en bronze qui se généralise au Bronze moyen. L’ambre est puisée au nord de l’Europe et plus particulièrement en Baltique, alors que le bronze, alliage de cuivre et d’étain, est produit en Europe centrale. Ce collier a probablement été confectionné par des fondeurs alpins et a été acheminé via les vallées alpines et rhodaniennes, puis par la vallée de la Cèze.